Qu’est-ce que la « réorganisation de l’école » selon M. Darcos ?

Après avoir préparé en grand secret un «protocole de discussion», le ministre Darcos et les secrétaires généraux du SNUipp-FSU et du SGEN-CFDT, rejoints par le SE-UNSA, « travaillent ensemble » à la « refondation » – « réorganisation » de l’enseignement primaire qu’annonçait le Président Sarkozy dans sa Lettre aux éducateurs… Tout doit être bouclé d’ici janvier 2008 !

Pour sa part, le SNUDI-FO a refusé de signer ce protocole qui enferme toute expression revendicative dans le cadre fixé préalablement par le gouvernement… résultat : le SNUDI-FO est interdit de présence aux 5 réunions de « travail » organisées au ministère ces mois de novembre et décembre !

Le Conseil syndical du Snudi Fo 47, réuni le mercredi 28 novembre 2007, a pris connaissance du document d’orientation du ministère de l’éducation nationale découlant du protocole de discussion.

Le Snudi Fo 47 tient à informer et alerter les collègues du danger que représentent les mesures proposées qui remettent gravement en cause nos missions et notre statut. Nous vous invitons à faire connaître ce bulletin, à prendre connaissance sur notre site de l’intégralité des propositions du ministre pour « définir un nouvel horizon pour l’école primaire » afin d’alerter l’ensemble des collègues.

1. Objectifs de l’école primaire

Le document d’orientation :

« 15% des élèves quittent l’enseignement primaire en situation d’échec lourd »

« Nous devons nous attacher à faire diminuer significativement le taux de redoublement à l’école primaire… Nous savons que le redoublement précoce n’a aucun impact positif sur la poursuite de la scolarité d’un élève… Cette priorité est d’autant plus forte que le redoublement varie fortement selon l’origine sociale des élèves »

« La réussite scolaire ne doit plus être la conséquence des inégalités sociales. C’est le rôle de l’école de mettre fin à cette disparité… La proportion d’élève ayant redoublé une fois à l’école primaire devra diminuer et être inférieure à 10 %, quelle que soit l’origine socioprofessionnelle des familles. »

Ces dernières années, les lois et les décrets appliqués à l’école républicaine, basés sur la rigueur budgétaire et de privatisation ont eu comme seules conséquences : les suppressions de postes, la désintégration de l’ASH, l’annualisation d’une partie de nos obligations de services… Tout ceci remet en cause les cadres institutionnels de l’école publique, la laïcité, l’obligation scolaire, la gratuité, l’égalité, le contenu des enseignements, les diplômes…

Ces réformes mettent l’école dans l’incapacité de répondre aux difficultés scolaires et génèrent l’échec scolaire associées à la précarisation généralisée du travail. Le ministre accuse implicitement l’école et ses enseignants d’être responsables de l’échec scolaire, le Snudi Fo ne l’accepte pas !

La remise en cause arbitraire du redoublement ne peut qu’aggraver cette situation. Le Snudi Fo est choqué par l’analyse du redoublement au regard des catégories sociales, comme si l’école était responsable du chômage et de la précarisation de l’emploi.

2. Programmes et horaires

Le document d’orientation :

« Les nouveaux programmes devront intégrer le socle commun de connaissances et de compétences. Ils fixeront les contenus à enseigner pour chaque année scolaire dans le cadre des cycles. Ils ne comporteront pas d’injonction propre à limiter la liberté pédagogique du maître garantie par la loi. »

« Les programmes d’enseignement du primaire seront soumis à l’avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale et de la commission des Affaires culturelles du Sénat. »

Le Snudi Fo s’est toujours prononcé pour des programmes nationaux annuels d’enseignement et pour la liberté pédagogique individuelle. Ce chapitre répond à une partie de nos revendications.

Toutefois la proposition de soumettre ces mêmes programmes à l’Assemblée Nationale et au Sénat pose un réel problème : le Snudi Fo rappelle que les professeurs enseignent un programme neutre, fondé sur des vérités établies dans le seul but de former des citoyens libres. Confier au parlement l’élaboration des programmes, en plus du risque de les orienter en fonction de la majorité politique du moment, est une remise en cause du statut de la fonction publique qui garantit notre indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.

3. Évaluation des élèves

Le document d’orientation :

« Elle sera régulière et systématiquement communiquée aux familles, en les informant des réponses prévues pour remédier aux difficultés. »

« Deux évaluations nationales témoins serviront à mesurer les acquis des élèves au CE1 et au CM2. Le résultat de ces évaluations sera communiqué aux familles. Leurs constats seront rendus publics »

« Le niveau obtenu lors de ces évaluations mais surtout les progrès accomplis par les élèves et mesurés par ces évaluations constitueront le véritable indice de réussite de la politique scolaire. Les bonnes pratiques qui aboutissent aux meilleurs résultats seront valorisées et mutualisées. »

Évaluer les élèves pour adapter les méthodes pédagogiques utilisées est indispensable et les enseignants n’ont pas attendu les propositions de M. Darcos pour cela.

La volonté du ministre n’est-elle pas plutôt de mettre les écoles en concurrence au regard des résultats obtenus ?

Aujourd’hui, dans les animations pédagogiques, les résultats des écoles sont déjà affichés… Quelle est la valeur de ces résultats lorsque l’on compare une école rurale, une école en ZEP ou une école de quartier ?

Aujourd’hui, les évaluations sont le prétexte à la mise en place généralisée des PPRE pour l’ensemble des enfants en difficulté… N’y a-t-il pas un danger d’imposer aux enseignants dans les classes la prise en charge des enfants en grande difficulté au détriment du RASED ?

Aujourd’hui la carte scolaire est supprimée… La publication des résultats des évaluations ne risque-t-elle pas d’aboutir à développer une école à plusieurs vitesses ?

4. Évaluation des enseignants

Le document d’orientation :

« L’évaluation des professeurs des écoles doit être redéfinie : pour ne plus s’attacher seulement à la méthode pédagogique de l’enseignant mais intégrer le progrès des élèves»

« L’évaluation et la réussite des personnels enseignants de sa circonscription constitueront les objectifs prioritaires de l’IEN. »

« En cas de difficultés professionnelles avérées ou de besoins de perfectionnement, le professeur des écoles bénéficiera d’une formation professionnelle adaptée. »

Pour le Snudi Fo l’inspection doit être un strict contrôle du travail de l’enseignant dans le cadre des programmes nationaux par année, par discipline et par niveau dans le respect de la liberté pédagogique de chacun, ce qui suppose une inspection individuelle et un rapport d’inspection que tout collègue peut contester, avec l’appui du syndicat si nécessaire.

Cette proposition, en plus de remettre en cause notre indépendance professionnelle, n’a t-elle pas de graves conséquences sur l’école ?

Qui va prendre les élèves en difficulté dans sa classe au moment de la répartition ? Qui va demander les postes en ZEP ? Qui va demander l’école dont les évaluations font apparaître un nombre élevé de PPRE ?

La formation professionnelle adaptée est-elle volontaire ou obligatoire ? Est-elle organisée sur le temps de travail ou pendant les vacances scolaires ? Doit-on justifier de notre incapacité professionnelle pour bénéficier de la formation continue ?

5. Prise en charge de la difficulté scolaire

Le document d’orientation :

« La création de la semaine scolaire de 24 heures permet, pour la première fois, d’instituer une aide personnalisée pour chaque élève en difficulté sur un temps spécifique de deux heures hebdomadaires. Cette aide vise la réussite scolaire. Ce temps sera inclus dans les horaires de service des professeurs des écoles. »

« Les difficultés repérées par le professeur sont d’abord traitées dans le cadre de la classe. Si elles sont plus lourdes, elles donneront lieu à une prise en charge complémentaire grâce aux deux heures dégagées. »

« L’accueil se fera par petits groupes, en dehors des horaires de classe collective. »

« Il sera proposé à tous les élèves présentant en fin d’école primaire de grandes difficultés dans la maîtrise du langage, de la lecture ou de l’écriture, un stage de remise à niveau entre la fin du CM1 et le commencement de la scolarité au collège. Ces stages pourront se dérouler pendant les vacances et seront assurés par des enseignants volontaires qui recevront une rémunération complémentaire à cette fin. »

L’amalgame entre la difficulté scolaire et la très grande difficulté (qui relève de l’ASH) ne laisse plus planer le doute : les enseignants se substitueront à l’enseignement spécialisé dans le cadre de ces 2 heures hebdomadaires.

Les mesures proposées par le ministre, qu’il tente de faire passer pour un « progrès indiscutable », sont-elles si différentes du fonctionnement actuel des maîtres E et des maîtres G ? N’est-il pas plus simple de créer tous les postes de RASED nécessaires à la prise en charge de tous les enfants en difficulté scolaire ?

Certains « partenaires sociaux » revendiquent l’annualisation des 108 heures (3 heures par semaine pendant 36 semaines) : l’annualisation a pour conséquence de pouvoir nous faire travailler à n’importe quelle heure ou n’importe quel jour de l’année… Qui acceptera de travailler de 18 heures à 20 heures ? Qui acceptera de travailler pendant les vacances scolaires ? Qui acceptera de travailler au mois de juillet ou au mois d’août ?

Le document d’orientation :

« L’organisation de ce temps de réussite scolaire doit se concevoir en laissant toute sa place à l’autonomie et à la responsabilité des équipes. »

Les notions d’autonomie et de responsabilité des équipes s’opposent aux cadres institutionnels de l’école républicaine et au statut des enseignants. L’acceptation de ce principe ouvre la voie à un processus de transfert des compétences de l’État vers les collectivités locales, voire les associations privées et nous placerait sous la coupe des conseils d’école. C’est en tout cas la redéfinition de nos missions et de notre statut préconisée par la commission Pochard qui travaille en lien avec le ministre Darcos.

Qui définira notre emploi du temps, l’équipe autonome, le conseil d’école ?

Le document d’orientation :

« Dans les écoles enfin, où la difficulté scolaire est la plus récurrente, le principe « plus de maîtres que de classes » pourra être retenu. »

Qui le ministre peut-il tromper en annonçant « plus de maîtres que de classes » alors que les budgets ne prévoient même pas un maître par classe (1 poste pour 70 élèves en 2007, 1 poste pour 55 élèves en 2008) ?

Le Snudi Fo 47 revendique que nos obligations de services soient de 24 heures hebdomadaires devant les élèves, la création des postes nécessaires d’enseignants spécialisés, la suppression des conseils d’écoles, le travail en équipe sur la seule base du volontariat : suppression des 108 heures annualisées !

6. École maternelle

Le document d’orientation :

« Les missions de l’école maternelle seront redéfinies en fonction des âges d’accueil. »

« Il faut donner à l’école maternelle un programme qui respecte mieux sa spécificité en matière pédagogique. »

« la formation des personnels enseignants en maternelle doit être renforcée. »

Le Snudi Fo met sérieusement en doute la bonne volonté du ministre alors que tout est mis en œuvre par les gouvernements successifs pour remettre en cause l’accueil en maternelle des plus petits. En 10 ans, 1123 écoles maternelles ont été fermées et, en 4 ans, dans un contexte de forte augmentation démographique, on est passé de 35,3% d’enfants de 2 ans scolarisés à moins de 22%.


Remise en cause de l’école républicaine, remise en cause du statut de la fonction publique et du statut des enseignants… Ces derniers sont implicitement pointés comme les responsables de l’échec scolaire : voilà les propositions de M. Darcos !

Il ne propose aucune création de postes, aucune réduction des effectifs, aucune ouverture de classes, aucun moyen pour la prise en charge des enfants en grande difficulté.

Le Conseil Syndical du Snudi Fo 47 entend défendre l’école républicaine, publique et laïque par tous les moyens. Il appelle tous les collègues à se réunir, à discuter du document d’orientation et des initiatives à prendre pour faire aboutir leurs revendications.

Il n’y a pas d’argent ? Jugez-en : 7 milliards d’euros en 2004 pour l’enseignement privé, 300 milliards d’exonérations aux patrons depuis 15 ans, 15 milliards de cadeaux aux plus riches avec le bouclier fiscal !
Le conseil syndical du Snudi Fo oppose ses revendications au document d’orientation du ministre :

– 24 heures de service hebdomadaire devant les élèves, suppression des conseils d’écoles, travail en équipe sur la seule base du volontariat : refus des 108 heures annualisées

– Transformation des 3 heures dégagées en postes d’enseignants (200 postes pour 350 écoles dans le Lot-et-Garonne)

– Création des postes nécessaires (spécialisés, remplaçants) en fonction des besoins réels définis par les enseignants

– Ouverture des classes, des structures spécialisées nécessaires

– 25 élèves par classe maximum, 15 en petite section de maternelle

– Scolarisation de tous les enfants en maternelle, dès 2 ans

– Formation continue volontaire sur le temps de travail

– Fonds publics à l’école publique