Billet d’humeur d’un directeur en colère

Les Inspecteurs de l’Éducation Nationale se transforment peu à peu en DRH…

À écouter l’IEN de Tonneins, l’autre soir en réunion de directeurs, nous asséner poncifs sur banalités avec un ton moralisateur préventif, j’ai eu la révélation que mon inspectrice ignorait tout de la réalité de nos écoles.

À voir avec quelle maladresse elle a géré la relation humaine avec nous, je comprends enfin pourquoi ils ont tous tendance à croire que l’école peut être gérée à coups de statistiques, de pourcentages et de tableaux à double entrée, par des techniciens utilisant des protocoles bidouillés par des technocrates qui n’ont jamais mis les pieds dans une classe.


La réalité de l’école est toute autre.

Elle procède de la délicate alchimie lentement et patiemment élaborée entre le maître et ses élèves. Elle est faite à 90% de confiance mutuelle, de relations humaines échangées, de complicité et de sérénité…

Le rôle du directeur est celui, ô combien difficile de créer un climat propice où collègues, municipalité, parents et acteurs locaux tirent tous dans le même sens : amener chaque élève à donner le meilleur de lui-même !

Tout cela est à mille lieues de ce que notre gouvernement est en train de concocter pour l’école publique, laïque et républicaine avec la collaboration de notre hiérarchie. Les fossoyeurs de nos enthousiasmes sont actuellement à l’origine d’un ras-le-bol généralisé chez les enseignants de plus de quarante ans qui ont vu leur métier passer de générateurs de « têtes bien faites » à remplisseurs de paperasses inutiles.

Je crois que mon inspectrice et moi ne faisons pas le même métier…

Son discours sur la longueur exagérée des pauses, sur la surveillance mal assurée des récréations, sur l’opportunité de faire de la conjugaison pendant les séances de sport, sur les mauvais horaires de la sieste, m’aurait fait sourire s’il n’était révélateur du manque de confiance dans les directeurs qui semble l’habiter.

Elle nous a parlé comme à des enfants demeurés ignorant tout de leur métier.
– Il n’est pas possible d’enseigner l’anglais sans le maîtriser. Elle le sait fort bien, nous le savons tous.
– Les évaluations CM2 de janvier sont un outil idéologique de destruction massive de l’école publique.
– L’obligation pour les communes de financer la scolarisation des enfants de ses administrés qui souhaitent fréquenter une école privée est une abomination pour la laïcité.
– L’obligation d’accueillir tous les élèves handicapés sans aucun moyen sérieux et au détriment du reste de la classe est juste une réponse partisane au lobby des associations d’enfants handicapés.
– L’aide personnalisée avec suppression de deux heures hebdomadaires pour tous les élèves est une fois de plus un stratagème idéologique pour supprimer les postes de RASED au moment où la société en déliquescence en a le plus besoin.
– La création des EPEP est également, sous prétexte d’autonomie, la trouvaille géniale pour faire exploser notre statut de fonctionnaire d’état, baisser les salaires, précariser la profession et vendre l’enseignement au privé. La première victime des EPEP sera d’ailleurs l’IEN dont la fonction deviendra inutile lorsque le recteur ou l’inspecteur d’académie aura comme interlocuteur direct un super directeur !
– La disparition programmée des école maternelles ne pourra que conforter la « quart-mondisation » de certains milieux. Comment penser que des élèves ayant fait quatre ans de maternelle et en difficultés lourdes à l’entrée au CP, seront dans de meilleures conditions d’apprentissage sans école maternelle ?

Tout cela, elle le sait, ils le savent tous, et pourtant…

L’école publique est en grand danger. Pendant ce temps, j’écoute ma nouvelle inspectrice menacer mon école d’un poste fléché si je ne convaincs pas mes collègues de se former en anglais !

J’en ai marre !

Jules Ferry, réveille-toi, ils sont devenus fous !