Rythmes scolaires, EPEP, Rapport Reiss,
Appel de Bobigny…
Les pièces du puzzle pour dénationaliser l’école,
pour liquider le statut des enseignants, fonctionnaires d’État !
Qu’est-ce que l’Appel de Bobigny ?
C’est « un grand projet national pour l’enfance et pour la jeunesse », un appel « pour un grand débat national » pour « une loi d’orientation » pour l’éducation.
Cet appel est à l’initiative du Réseau Français des Villes Éducatrices (RFVE), dont le Président, M. Yves Fournel, Adjoint au Maire de Lyon, s’est illustré à la rentrée 2009 pour avoir tenté d’imposer, avec le soutien du ministre de l’Éducation Nationale, la mise en place des EPEP [1] dans sa ville de Lyon !
Parmi les signataires de cet appel, on retrouve l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) qui vient de s’illustrer en réclamant la suppression de la notation à l’école élémentaire (casser le thermomètre pour masquer la température, pour masquer les conséquences de toutes les contre-réformes).
On retrouve dans le comité de coordination et d’initiative la CFDT, la FSU, l’UNSA, la FCPE…
Parmi les signataires de cet appel on trouve, entre beaucoup d’autres, la CGT… Et le Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne.
Nous vous proposons notre lecture de cet appel.
Cet appel est disponible en ligne sur le site : Appel de Bobigny
5 grands objectifs
1. « Garantir l’équité dans l’accès à l’éducation ».
Notons que le mot « égalité » est systématiquement remplacé par le mot « équité » : en matière sociale, une répartition équitable ne correspond pas à l’égalité au sens strict. C’est une « juste mesure », un équilibre, qui permet de rendre acceptable une forme d’inégalité lorsque l’égalité ne serait pas acceptable.
Le ton de l’appel est donné…
2. Un projet éducatif « sur tous les temps et les espaces éducatifs et sociaux ».
Ce projet éducatif s’appuie donc sur les Contrats Éducatifs Locaux qui mélangent les temps scolaires et périscolaires. Il va même plus loin en y incluant le temps extrascolaire.
Cela devient même la « formation initiale » de la « formation tout au long de la vie »… Parce que les diplômes nationaux ne suffiront plus à garantir l’accès à des emplois.
3. « Promouvoir la coéducation, la coopération éducative de tous les acteurs, garantir la place et les droits des parents ».
D’après ce raisonnement : j’achète du pain chez le boulanger, je suis usager, j’ai des droits, je dois siéger au conseil de la boulangerie pour définir avec lui la recette du pain !
Le véritable objectif visé ici est de donner tout pouvoir, hiérarchique et pédagogique, aux collectivités et associations locales.
4. La mobilisation de « toutes les ressources éducatives des territoires et de l’école, à travers l’articulation des objectifs nationaux avec les projets éducatifs des établissements d’enseignement et des institutions culturelles publiques, et ceux des territoires ».
Les programmes nationaux, qui s’imposent à tous, deviennent de simples objectifs qui seront déclinés localement dans les territoires.
Mais surtout, pour décliner ces objectifs au niveau des territoires, il faut les intégrer dans un Conseil d’Administration, type EPEP, et donc mettre sous tutelle des « territoires » les écoles et les enseignants.
5. « L’objectif de 0 sortie du système éducatif sans qualification reconnue ».
Qu’est-ce qu’une qualification reconnue s’il n’y a plus de programmes et d’horaires nationaux, plus de diplômes nationaux ?
Des qualifications locales qui seront reconnues, au mieux, sur le « territoire » et qui donneront accès à des emplois locaux avec des rémunérations qui dépendront des ressources locales !
L’appel préconise de plus la suppression de la logique du redoublement et remet en cause l’évaluation des élèves : l’objectif n’est-il pas plutôt de réduire les coûts à 0€ pour l’échec scolaire ?
Mais ce n’est plus l’école publique républicaine dont le rôle fondamental est de permettre un accès égal à l’instruction pour tous les élèves et non pas de remettre en cause tous ses principes au nom de l’accès de 80% d’une classe d’âge au bac.
? Il faut exiger le maintien des programmes et horaires nationaux et leur strict respect dans chaque classe ;
? Il faut exiger le maintien des diplômes nationaux qui permettent d’accéder à des emplois avec des conventions collectives qui garantissent un niveau de rémunération et des conditions de travail adaptées ;
? Il faut exiger l’ouverture des classes nécessaires, le recrutement des enseignants pour abaisser le nombre d’élèves par classe, l’ouverture des structures spécialisées avec des personnels qualifiés pour permettre la prise en charge des élèves en difficulté ;
? Il faut exiger que les fonds publics soient exclusivement affectés à l’école publique.
De tout cela, il n’en est jamais question dans l’appel de Bobigny.
18 propositions
? L’appel propose de créer un « service public de la petite enfance » dans lequel « l’école maternelle doit être confortée dans ses missions » avec des « classes passerelles associant des professionnels de la petite enfance, des collectivités locales et de l’éducation nationale ».
N’est-ce pas déjà le cadre des jardins d’éveil dont l’objectif est justement la remise en cause de l’école maternelle ?
? L’appel propose « des formations initiale et continue rénovées pour tous les professionnels de l’école et en particulier les enseignants, la construction de projets éducatifs globaux sur tous les temps et espaces éducatifs de l’enfant ».
Dans cette école, pour instruire, il n’y a donc pas que des enseignants qualifiés… Et cette école ne se résume pas au temps scolaire.
N’est-ce pas déjà le cadre des Contrats Éducatifs Locaux, qui mélangent les temps scolaires et périscolaires, dans lesquels des adultes pourront avantageusement prendre en charge certaines disciplines jusqu’alors réservées au temps scolaire ?
? L’appel propose « des projets communs et des coopérations entre enseignants des écoles et des collèges, des modules de formation communs ».
C’est la reprise d’une proposition du rapport Reiss qui veut généraliser « les échanges d’enseignants entre le premier et le second degré ».
? L’appel propose, pour les rythmes scolaires, « un cadre national, décliné dans les projets éducatifs de territoire et les projets éducatifs d’établissement ». La « définition et l’impulsion d’un véritable projet éducatif d’école ou d’établissement et d’équipe nécessitent l’implication et la coopération éducative de tous les adultes, professionnels et parents, partenaires associatifs de l’éducation populaire, du sport et de la culture du territoire, la logique de coéducation ».
Un cadre national décliné selon les « territoires » ? Ce n’est plus le service public républicain, c’est le service d’intérêt général imposé par l’Union Européenne.
? Il propose « la reconnaissance nationale par la loi des projets éducatifs de territoire, souples, coordonnés le plus souvent par la commune ou l’intercommunalité », des « associations populaires et complémentaires de l’école », « le respect de leurs projets propres reconnus dans la loi d’orientation et soutenus à travers des contrats d’objectifs ».
L’appel de Bobigny, le rapport Reiss, la conférence nationale sur les rythmes scolaire… Tous ont en commun la dénationalisation de l’Éducation Nationale : des budgets locaux, des programmes et des horaires locaux, des diplômes locaux, des recrutements et des statuts locaux… Décidés par des partenaires locaux : l’Éducation Territoriale !
? Dans l’appel, les parents sont « des usagers », « des acteurs », « des citoyens » : ils « ont un droit à l’information, à la participation aux décisions concernant leurs enfants, à leur représentation dans les instances de l’établissement, du projet éducatif de territoire et de tous les niveaux du système éducatif ».
La loi Jospin de 1989 a ouvert la voie avec les conseils d’écoles et d’établissements. Ça ne va pas assez loin pour l’appel qui veut donner plus de poids, plus de pouvoir, aux intérêts particuliers et locaux de quelques parents et de quelques associations, pour justifier la dénationalisation de l’école républicaine.
? L’appel propose « un changement sur le sens et les modes d’évaluation » des élèves, « de faire prévaloir l’organisation et la logique des cycles et donc d’en finir avec la logique des redoublements » en « prévoyant des modalités d’aide et d’accompagnement individualisés ».
L’appel valide donc toutes les réformes, de la loi Jospin de 1989 aux décrets Darcos-Chatel, il demande même d’aller au bout de ces réformes qui se heurtent encore à la résistance des enseignants.
Pas un mot sur l’enseignement spécialisé ni sur la situation des EVS dans cet appel.
? L’appel propose « d’ouvrir chaque lycée sur son territoire et d’en faire en dehors des horaires scolaires une maison de la culture et de l’éducation informelle et non formelle ».
Transformer les lycées en maisons des jeunes c’est un moyen de défendre l’école publique républicaine ?
? L’appel conclut en constatant « une évolution plus rapide des métiers », « une plus grande mobilité dans l’emploi » : il se place donc dans la perspective de « la formation tout au long de la vie », d’un « service public de la formation professionnelle », « diversifié et partenarial », bien évidemment à la fois « national » et « régional »…
Ce verbiage ne peut cacher une réalité : l’appel de Bobigny ne remet pas en cause la logique libérale, qui aboutit à la crise que nous traversons, qui aboutit à la remise en cause de tous nos acquis sociaux, à la remise en cause des principes républicains.
Au lieu d’exiger le retour légitime aux principes républicains, l’appel propose le démantèlement de ce qui reste de l’école publique républicaine et laïque pour l’adapter à « une évolution très rapide des sociétés » en la livrant entre autre aux entreprises locales !
Rien dans cet appel ne permet de défendre l’école publique, l’école laïque, l’école républicaine.
Au contraire, il remet en cause la caractère national en transférant aux « territoires », aux communes, aux intercommunalités, aux entreprises des bassins d’emplois, la gestion de l’enseignement public.
Il remet en cause l’indépendance professionnelle et la liberté pédagogique, garanties par le statut d’enseignant fonctionnaire d’État, en les soumettant à un Conseil d’Administration qui déciderait des horaires, des contenus des programmes, du budget, des missions et des affectations.
Le SNUDI Force Ouvrière s’étonne que des syndicats et des associations, qui prétendent défendre l’école publique et laïque républicaine, puissent signer cet appel.
Le SNUDI Force Ouvrière n’est pas opposé par principe à un débat sur l’école publique, mais il pose comme préalable le maintien du caractère national et du statut de d’enseignant fonctionnaire d’État, seuls garants des missions de l’école publique et laïque républicaine.
Le SNUDI Force Ouvrière affirme que pour améliorer le système scolaire les solutions sont simples : il suffit de donner les moyens pour l’ouverture des classes nécessaires pour un maximum de 25 élèves par classe, pour recruter et former les enseignants nécessaires, créer les structures spécialisées nécessaires pour prendre en charge les élèves en grande difficultés avec des personnels enseignants et de santé qualifiés.
Quant au financement, il faut affecter à l’école publique les milliards de fonds publics qui financent l’école privée et remettre en cause les milliards d’exonérations patronales qui fabriquent le déficit public qui sert de justification à la destruction de tous les acquis sociaux des salariés, dont les retraites.