« L’école de la Confiance » : un joli nom pour cacher le pire.

Pulvérisation des statuts d’enseignants, dont celui de PE, suppression des directeurs et des écoles… Alors pourquoi ce nom : « école de la Confiance » ?
C’est assez simple : pour améliorer l’école tant du point de vue des personnels que des élèves et des citoyens ?
Non.
C’est seulement pour supprimer les mots négatifs du vocabulaire qui auraient caractérisé ce qui est vraiment fait avec l’école. On ne peut plus nommer négativement la réforme, on n’a le droit que de la penser « positivement ».
Mais alors comment se défendre contre du « langage positif » – et plus encore lorsqu’il est soutenu par certaines organisations syndicales – si on ne peut contredire les contre-réformes qu’il cache ?
Est-on toujours en démocratie ?
La Loi Blanquer et toutes les actions de l’actuel gouvernement – dont le Président disait en 2015 que parvenir à de hautes fonctions par la voie des urnes était « un cursus d’un ancien temps » – répondent à cette dernière question.

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi dit « école de la confiance ».

Les EPSF : plus grave encore que le projet de création des EPEP

Dans ce projet de loi dont le SNUDI-FO, avec la FNEC FP-FO, demande le retrait, a été intégré un amendement très particulier créant des EPSF (Établissements Publics des Savoirs Fondamentaux) qui regrouperaient les classes d’un collège et celles d’une ou plusieurs écoles situées dans le bassin de vie.

L’exposé des motifs de l’amendement indique : « Ces structures permettront à de très petites écoles (la moitié des 45 000 écoles de France comptent moins de 4 classes) d’atteindre une taille critique rendant possibles certains projets pédagogiques ainsi que des collaborations entre enseignants de cycles différents ».
Ah parce que les enseignants des petites écoles rurales ne savaient pas construire, financer et mener des projets ?
Il s’agit en fait, à travers les EPSF, de supprimer des milliers d’écoles, dans les zones rurales comme dans celles urbanisées, et donc des milliers de postes de PE, adjoints ou directeurs tout en recrutant des « contractuels » à tour de bras…

Ainsi, non seulement ces EPSF porteraient toutes les tares qui étaient contenues dans le projet de création des EPEP (Établissements Publics d’Enseignement Primaire) en termes de regroupements forcés et de disparition d’écoles du 1er degré, mais leur création aboutirait à les étendre aussi au 2nd degré.

Car les EPSF, c’est aussi la destruction des statuts particuliers d’enseignants pour y substituer un statut unique synonyme de régression sociale pour tous !
Le projet d’EPSF porte en germe la fin de la distinction entre les classes du 1er degré et celles du 2nd degré, la fin de la distinction de statut entre les professeurs des écoles et les professeurs certifiés. Ainsi, avec la mise en œuvre des EPSF, les Obligations Réglementaires de Service spécifiques à chaque corps volent en éclats : la référence aux 1 607 h annuelles de travail obligatoire applicable aux professeurs du 2nd degré depuis 2014 (décret Hamon) pourrait ainsi concerner les Professeurs des Écoles.

Inversement, les dispositions restrictives au droit de grève dans le 1er degré s’appliqueraient aux professeurs certifiés et agrégés dès lors qu‘ils interviendraient dans les classes du 1er degré. Le pire des deux mondes réuni…

Et pour tout le monde, la nouvelle « exemplarité » sera en fait uniquement une injonction au silence total sous peine de sanctions (qui pourraient aller jusqu’où ? Retenue sur salaire, avancement bloqué, licenciement ?). L’école devient une « Grande Muette ».
Il ne reste plus qu’à prêter serment à… Oui, tiens, à qui, à quoi ?

C’est dans ce cadre qu’il faut ajouter l’obligation qui serait faite à tous les enseignants, de participer au conseil école – collège : une nouvelle mise en cause des obligations statutaires de service puisque cette obligation ne pourrait que s’ajouter à celles existantes, ce qui aboutirait à faire exploser les 108 h.

Dans les faits, le gouvernement est en train de chercher à créer un statut unique d’enseignants aboutissant à détruire tous les statuts particuliers et les droits qui s’y rattachent : règles d’affectation contestées, modalités de changement d’échelon remises en cause par PPCR… Le projet de création des EPSF vise à accélérer ce processus.

Et déjà, le ministère prévoit l’affectation indifférenciée de PLP, de PE ou de profs certifiés, agrégés sur les postes ULIS en collège et en Lycées Professionnels, sans l’avis des Commission Administratives Paritaires où siègent les syndicats, remettant de plus en cause la place des délégués du personnel en CAP.

Les EPSF, c’est la suppression des directeurs et des écoles

Le projet de loi prévoit dans l’article L. 421-19-19 que « Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411-1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3. Un ou plusieurs chefs d’établissement adjoints, dont un au moins est en charge des classes du premier degré, exercent aux côtés du chef d’établissement.
Ce chef d’établissement adjoint, en charge du premier degré, est issu du premier degré. Les modalités de son recrutement sont fixées par décret. »
Ces personnels de direction seraient nommés par le Dasen : la question des critères de choix est-elle vraiment à poser ? …

Cet article prévoit clairement que le directeur d’école n’existe plus. Il n’y a plus de directeur et plus d’école non plus : ils disparaissent en tant qu’entités administratives.
Si les bâtiments existeront toujours, ils ne seront qu’un site parmi d’autres au sein d’un établissement dont la gestion relèvera du chef d’établissement personnel de direction (PERDIR). Les IEN dont la fonction est liée à l’existence spécifique du statut de PE verraient la nature de leur fonction se modifier (plus vers la pédagogie ?, vers une disparition ? On ne le sait toujours pas) et l’ensemble des PE serait donc placé sous l’autorité d’un chef d’établissement, supérieur hiérarchique unique des personnels du premier et du second degré.
Avec la création d’un conseil pédagogique d’établissement, c’est aussi la remise en cause de la liberté pédagogique individuelle. Les relations entre les PE ainsi que la place spécifique du conseil des maîtres se trouveraient bouleversées.

Dans les départements, les projets de carte scolaire multiplient les fermetures de classes et d’écoles entières, les fusions d’écoles faisant disparaître nombre d’écoles en milieu rural comme dans des quartiers urbains et en particulier les écoles maternelles regroupées dans des « pôles » [chez nous, le premier pourrait être à Mézin]. À chaque fusion, c’est un poste de directeur qui est supprimé au détriment des conditions de travail des PE et de la qualité des relations avec les familles. Pour le ministre, l’objectif avéré est de passer de 45 000 écoles à 18 000 établissements (80 % des écoles seraient supprimées ainsi que leurs directions ! Cela fait immanquablement penser à leur volonté de supprimer des communes, dans les mêmes proportions).

Mais les EPSF, c’est le transfert total des compétences de l’Éducation nationale aux conseils d’administration dans le cadre des établissements autonomes sous la tutelle des élus politiques locaux.

Le projet de loi prévoit que les EPSF seraient constitués sur proposition conjointe des collectivités territoriales largement représentées dans le conseil d’administration. Le chef de cet établissement d’un nouveau type se trouverait lui-même placé sous la tutelle de ces élus locaux.

Dans le même temps se multiplient les projets divers dont l’objectif est la mutualisation des moyens, la fusion 1er/2nd degré, la confusion scolaire/péri scolaire : cités éducatives dans le Gard, le Bas-Rhin, l’Essonne, le Val-de-Marne…, école du socle dans l’académie de Dijon, en Ille-et-Vilaine…, réseau d’établissements dans le Vaucluse.

Toutes ces expérimentations n’ont qu’un seul objectif : opérer sous des formes diverses un transfert des compétences de l’Éducation nationale vers les collectivités territoriales pour mettre un terme à l’ancrage dans des valeurs de démocratie et d’indépendance des enseignants du Public et, dans une logique purement libérale, réduire au maximum tout ce qui dépend de l’Etat, au profit des organismes privés qui prendront sa relève.

Avec la FNEC FP-FO, le SNUDI-FO exige le retrait du projet de loi « école de la confiance ». Il exige l’abandon des EPSF.
Alors que les mobilisations se multiplient notamment en défense des services publics, et que la colère populaire s’amplifie contre les politiques menées par ce gouvernement, le ministre Blanquer et son gouvernement doivent retirer ce projet de loi.