La ministre choisit la fuite en avant au lieu de répondre aux personnels mobilisés.
S’adresser aux amis…
Tel est l’aveu d’impuissance face aux personnels qui ne peuvent accepter n’importe quoi. Au lieu de répondre, la ministre choisit d’occuper l’espace médiatique et de poursuivre l’entreprise d’enfumage les 2 et 3 mai avec des «journées de la refondation de l’école» pour «redonner du sens et de la cohérence» aux réformes…
Les personnels qui réfléchissent ne sont pas dupes de cette logomachie car avec 4 ans de contre-réformes continuelles, ils en ont assez. Mais la ministre choisit, comme le Premier ministre et El Khomri, ses interlocuteurs dans un simulacre de négociations, la CFDT et l’UNSA.
La FNEC FP-FO – dont fait partie le SNUDI FO – s’est adressée à Najat Vallaud-Belkacem pour lui demander de rétablir des discussions normales, y compris avec les organisations qui ne partagent pas ses orientations…
Des mesures destructrices…
La circulaire de rentrée se veut un catalogue de mesures qui mettent à mal les statuts et conditions de travail des enseignants : Du CP à la 3ème , au nom d’une «école plus juste et plus efficace» (la formule, toute publicitaire, est belle à dire, ne peut que remporter l’adhésion de tous et est aussi creuse qu’il est possible de l’être sans utiliser d’encre sympathique…), la ministre souhaite, avec les nouveaux programmes 2016, «consolider les évolutions entreprises depuis 2012» sur les cycles 2, 3 et 4. Neuf années de programmes scolaires réécrits dans une «approche curriculaire» (traduction : « sur l’ensemble des pratiques pédagogiques »… On faisait quoi avant !?) pour conduire à une «coopération plus large et plus approfondie entre les enseignants des 1 er et 2nd degrés» via le conseil école-collège et les «échanges de pratiques inter-degrés».
Cela remet en cause corps et statuts particuliers de la fonction publique alors même que nos salaires sont parmi les plus bas des pays de l’OCDE malgré les miettes (ISAE, micro augmentation du point d’indice) dont se gaussent la CFDT et l’UNSA. Depuis quand les enseignants du Premier Degré ne coopéraient-ils pas ?
… Et des mensonges.
Dans le premier degré, la ministre annonce «un effort budgétaire exceptionnel»… La circulaire de rentrée pratique la méthode Coué !
Tout va mieux nous diront en chœur le ministère, la CFDT et l’UNSA : «3900 emplois en plus», «1000 pour la scolarisation des moins de 3 ans». Mais c’est oublier, occulter même, les chiffres publiés au Budget de l’État et qui concernent aussi l’action de SON gouvernement :
– Entre 2013 et 2015, 2050 postes n’ont pas été pourvus ;
– Depuis 2008 seuls 54 328 nouveaux PE ont remplacé les 70 000 départs en retraite ;
– 3329 écoles ont fermé en 7 ans dont 710 ces deux dernières années ;
– La scolarisation des 2 ans a été divisée par 2 entre 2008 et 2016 ;
– Les personnels le vivent et multiplient les délégations à tous les niveaux !
De l’École de l’État à celle des Territoires.
«Une école ouverte et inclusive» C’est beau, là aussi, à lire… Mais cela cache des conséquences politiques, sociales, salariales. L’école Peillon-Vallaud-Belkacem demande «l’engagement des collectivités territoriales», des «associations», des «citoyens», «la mobilisation des acteurs locaux», des «parents», «PMI , CAF, réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement aux parents», etc… Quel bel élan !
Pourtant, dans le même temps arrive la suppression de la 6ème SEGPA et la refonte de la circulaire EREA. Les inclusions totales des élèves d’Ulis quand la création des CLIS répondait à une demande, à un besoin des enseignants comme des élèves.
L’ École ouverte à tous vents et à toutes les influences au nom de la territorialisation et du désengagement de l’État se fera sur le dos de l’indépendance pédagogique des enseignants, de leur statut, c’est à dire des règles régissant leurs conditions de travail. Et pour ce qui est de déréglementer au détriment des salariés, le gouvernement n’en est pas à son coup d’essai…
Le numérique comme solution de tout… surtout du coût de l’enseignement et de la formation.
«Une logique ambitieuse» nous dit-on… Mais qui ne poursuit qu’un but d’austérité.
Le numérique qui instruit, valide les diplômes, forme, voilà l’avenir ! Les outils de télétravail (Article 26 du projet de loi Travail) ne vont pas manquer : Eduscol, Canopé, Viaeduc, M@gistère, Eduthèque, English for Schools, Deutsch für Schulen, Livret scolaire numérique (LSUN) obligatoire tout au long de chaque cycle, nouveau B2i commun au second degré et à l’enseignement supérieur. Pour la ministre un «recours croissant de tous les enseignements aux outils et ressources numériques» avec formation au numérique obligatoire en 2016-2017 devient le nec plus ultra de ce XXI ème siècle.
Sans doute, la ministre sourde aux revendications et aux recherches sérieuses, n’a-t-elle pas entendu l’opposition des enseignants aux formations-formatage et leur volonté d’instruire. Avec l’austérité économique, sociale, salariale, pour les citoyens lambda, voilà maintenant l’austérité de l’instruction, le cache misère pédagogique, l’insulte à l’intelligence.
On peut se demander si elle veut encore des professeurs sous statut ou si un bénévole formé au numérique ne fera pas l’affaire !
Qui ose dénoncer la politique éducative libérale ?
Il arrive un moment… où il faut prendre ses responsabilités.
La ministre ne doit pas considérer que quitus est donné à ses réformes. Il n’y a aucun consensus. Aussi, a contrario du ministère qui veut « réunir [sa] communauté éducative pour faire un point d’étape dans la mise en œuvre de la loi de refondation», la FNEC FP-FO oppose les personnels réunis en AG pour décider la grève et ses suites, le 28 avril, pour le retrait du projet de loi Travail et de son avatar : la « Refondation de l’École ».
Car gagner sur le projet El Khomri ouvre la voie au retrait des contre-réformes qui ne seraient pas passées sans le soutien actif – ou passif – des organisations sur lesquelles le gouvernement s’appuie, de celles dont le discours n’est pas clair.
La ministre sait que les personnels ont bien compris la cohérence de toutes les «réformes» liées à la refondation de l’école. Elle devrait en tenir compte, elle qui n’écoute pas. Ce n’est pas sa logorrhée castratrice des oppositions («maîtrise du socle», «organisation des enseignements disciplinaires redéfinie», «enseignement selon des modalités diverses» associant «enseignement communs», «accompagnement personnalisé» et EPI, «démarche de projet», «parcours éducatifs», «école inclusive», «autonomie», «individualisation des parcours») et les pressions de toutes sortes, qui doivent l’emporter, c’est le refus de la destruction de l’école publique qui instruit et du statut des enseignants d’État.
A moins de 6 mois de la rentrée, l’inspection générale reconnaît même que la réforme des collèges est fortement compromise dans un quart des établissements.
Les enseignants doivent avoir en tête ce qui devrait être le vrai sens de toute réforme : une amélioration ! Si ce n’est pas le cas alors elle doit être combattue de toutes nos forces.