Modernisation des Parcours Professionnels, des Carrières et des Rémunérations dans la Fonction Publique
Un projet qui poursuit la dislocation de notre statut et entérine la diminution continue de notre pouvoir d’achat. FO vous explique pourquoi il ne doit pas être signé !
La ministre de la Fonction publique a transmis aux fédérations de fonctionnaires, le 17 juillet, le projet d’accord définitif relatif à « la modernisation des Parcours Professionnels, des Carrières et des Rémunérations dans la Fonction Publique » (PPCR). Cet accord est proposé à la signature de toutes les fédérations de fonctionnaire au 30 septembre.
Ceci explique que des organisations syndicales vous sollicitent actuellement à ce sujet par, sondage ou en faisant miroiter une éventuelle revalorisation de la prime ISAE en contrepartie de la signature de ce Projet d’accord.
Ce projet s’inscrit dans un contexte :
• Une réduction des dépenses publiques : baisse de 50 milliards d’euros des budgets publics entre 2015 et 2017 (dont 18 milliards pour l’État, une réduction de 11 milliards des dotations aux collectivités, un plan d’économie de 3 milliards pour les hôpitaux – l’équivalent de 22 000 postes supprimés-). Cette réduction sert à financer le pacte de responsabilité et à la réduction des déficits publics.
• Des réformes telles que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la réforme territoriale, le projet de loi de modernisation de la santé qui ont pour effet d’affaiblir le service public, la République.
• Enfin, un gel de la valeur du point d’indice pour les fonctionnaires et agents publics depuis 2010, plusieurs déclarations de la Ministre de la Fonction publique et du Premier ministre laisse entendre que ce gel pourrait se prolonger en 2016 et même 2017. La baisse du pouvoir d’achat s’élève depuis le gel du point à près de 8 % et depuis 2000 à presque 20% (ne pas oublier par exemple l’impact de la hausse des cotisations retraites) !
Ce projet a pour but d’adapter la Fonction Publique à ce contexte !
Tant dans sa partie « Ressources Humaines » que dans l’harmonisation des grilles indiciaires, FO affirme que cet accord a principalement pour objectif d’accompagner les restructurations et les mobilités forcées imposées par la Réforme de l’État, la Réforme territoriale et le projet de Loi Santé, ainsi que d’encadrer la maîtrise budgétaire de la Fonction publique territoriale.
Comme toujours, « derrière la paille des mots, le grain des choses » (Leibnitz)
Le préambule de ce Projet de protocole annonce clairement : « Le statut doit s’adapter pour faciliter la mobilité des agents ».
Mobilité et casse des statuts
Le projet d’accord prévoit notamment: « Des dispositions statutaires communes à plusieurs corps et cadres d’emploi seront mises en place dans les filières estimées comme les plus pertinentes en termes d’identité de mission, en concertation avec les signataires du présent accord. »
Le gouvernement vient de publier les 13 familles de métiers dans la fonction publique pour réduire le nombre de corps. Or, dans chaque corps, les obligations de service sont spécifiques.
Les règles de chaque catégorie de fonctionnaires protègent les droits des agents et imposent le respect de leurs qualifications. Ainsi, un fonctionnaire ne peut pas être déplacé d’office quand son poste est supprimé comme il n’est pas possible de lui imposer de passer d’un statut à un autre.
L’accord a pour but « d’adapter » le statut des personnels aux différentes lois de territorialisation, à la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de l’État) et les milliers de suppressions de postes induites. La régionalisation, la fusion des rectorats, des académies auraient déjà pour conséquences immédiate la suppression de 10 700 emplois de l’État.
En leur faisant signer ce protocole, l’objectif du gouvernement est d’associer les organisations syndicales à l’organisation de la mobilité forcée des agents dans un contexte d’austérité aggravée par le Pacte de responsabilité qui impose des milliers et des milliers de suppressions de postes et de services tant au niveau de l’État que dans les collectivités territoriales et dans les hôpitaux !
Dans l’Éducation Nationale, par exemple, la mise en place d’un tronc commun « de la maternelle à l’université » pour la formation des enseignants dans les ESPE est contradictoire avec l’existence de corps différents au collège (certifié, PPEPS…) et dans les écoles (PE).
La signature par une majorité des fédérations de fonctionnaires de ce Projet de protocole permettrait que demain l’enseignant en élémentaire puisse être obligé, « selon les besoins du service », à aller exercer en collège et inversement.
Dans le même temps, la ministre de l’Éducation nationale a présenté, fin juin, un projet de décret qui institutionnalise l’embauche de contractuels enseignants dans les écoles, collèges et lycées, en violation de l’article 3 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui stipule que les emplois civils permanents de l’État sont occupés par des fonctionnaires ».
« Revalorisation salariale » affirme la ministre.
La réalité est tout autre ! Jugez-en à partir des faits.
Le projet de protocole prévoit pour tous les personnels de catégorie A, dont les enseignants, les personnels d’éducation et d’orientation :
• une augmentation des bornes indiciaires, c’est-à-dire en début et fin de carrière dans un même grade (classe normale ou hors-classe) tendant vers l’uniformisation de chaque catégorie dans chaque versant (État, Hospitalière Territoriale) des 3 versants mais uniformisation ne veut pas dire alignement par le haut !
• la transformation partielle de la rémunération indemnitaire (type ISAE) en points d’indice – (9 points d’indice selon le projet) ;
• la modification du déroulement de carrière (durée nécessaire pour atteindre le dernier échelon) « compte tenu de l’allongement du temps de carrière du fait des réformes des retraites ». Le projet d’accord indique clairement : « les déroulements de carrière ne sont plus en adéquation avec la durée effective de la vie professionnelle ». En clair, les contre-réformes successives des retraites ont reculé l’âge de départ en retraite, il faudrait donc allonger la durée des carrières en conséquence !
Par contre, le ministère exclut toute augmentation du point d’indice des fonctionnaires d’ici 2017. Un rendez-vous serait organisé en février 2016, sans aucune garantie quant à l’augmentation du point d’indice lui-même.
Derrière les effets d’annonce, une perte de revenu programmée !
Il s’agit d’un marché de dupes assorti d’un chantage : une petite partie des primes transformées en points d’indice, quelques points d’indice en début et en fin de carrière… mais des carrières de plus en plus allongées…
Rien en 2015… Rien en 2016… Pas grand-chose de 2017 à 2020 !
En l’état, le gouvernement exclut toute augmentation du point d’indice d’ici 2017.
Il fait quelques vagues promesses qui seraient mises en œuvre entre 2017 et 2020, moyennant quoi il obtiendrait des organisations syndicales signataires qu’elles cautionnent le blocage de la valeur du point d’indice jusqu’en 2020 !!!
Pire encore !
Un PE classe normale, 11ème échelon, pourrait avoir une augmentation de 37,04 €/ mois (traitement brut). Mais, aussi, une augmentation de son prélèvement pour pension civile de 55,24 € /mois. En effet, les contre-réformes successives des retraites, en plus de repousser l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation, ont augmenté le taux des retenues pour pension civile : 9,54% du traitement brut actuellement, pour atteindre 11,10% progressivement d’ici 2020 (décret 2015-1531 du 17 décembre 2014).
Si bien que le même PE au 11e échelon verrait son prélèvement pour pension civile augmenter de 55,24 € par mois.
En termes de traitement net sur la fiche de paie, les calculs sont vite faits : +37,04 € – 55,24 € = – 18,20 € (oui, en moins) à la fin du mois par rapport à l’existant.
Au final, ce serait – 18,20 €… Les chiffres parlent d’eux-mêmes !
Dès lors comment croire encore que l’objectif du protocole est la revalorisation des salaires comme cela nous est expliqué ici ou là par certaines organisations syndicales pour justifier leur éventuelle signature ?
Les constats sont sans appel :
1 La perte du pouvoir d’achat depuis le gel du point d’indice en 2010 (-8%) n’est pas compensée par les propositions gouvernementales (malgré la propagande ministérielle). Avec l’augmentation du prélèvement vieillesse, le salaire net des fonctionnaires continuera même à baisser.
2 Cette fausse revalorisation s’accompagnerait d’un allongement inacceptable des durées de carrière (qui autofinancerait cette soi-disant revalorisation) et qui aurait pour conséquence de baisser encore plus les pensions.
3 Rien n’est prévu pour améliorer la situation des les agents en place et pour améliorer les conditions de travail. Pire, le cœur de cet accord permettrait de fusionner les corps, et donc les missions, pour, par exemple, permettre indifféremment que les enseignants du primaire puisse enseigner en collège, et vice versa.
4 L’intégration d’une part des primes dans le traitement est insignifiante : entre 3 et 9 points d’indice, soit entre 12€ et 36€ à la retraite.
5 La longueur du calendrier de mise en œuvre des mesures salariales est inadmissible car non seulement les miettes accordées le seront à l’horizon 2020, mais en plus le gouvernement ne peut rien garantir après 2017.
Voilà pourquoi, après avoir consulté leurs instances respectives, les fédérations syndicales de fonctionnaires Force Ouvrière de l’État, de la Fonction publique hospitalière et de la Fonction publique territoriale ont décidé de ne pas signer le protocole d’accord « Avenir de la Fonction publique – Parcours professionnels, carrières et rémunérations » proposé par la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, au nom du gouvernement.
Les revendications FO demeurent :
• Aucune remise en cause de notre statut de fonctionnaire d’État,
• Augmentation de 8% du point d’indice et attribution uniforme de 50 points sur l’ensemble de la grille indiciaire,
• Abandon de la réforme territoriale.