Il y a quelques années, un journal local titrait en première page : « Le jeu du foulard à l’école de… »
Sous la manchette inquiétante se trouvait une photo de l’école… la nuit !
Brrrrr, frisson garanti… et ventes à l’appui.
Du vrai journalisme ?
Que s’est-il passé ensuite ?
Rien. Rien car le gros titre était mensonger, issu de propos mal interprétés, déformés et surtout absolument pas vérifiés.
Mais les enseignants de l’école concernée, les enfants, les parents, les employés municipaux : tous ont été impactés par ces médias de la honte.
Méprisable.
Que dire d’autre ?
Que penser d’autre lorsque nous lisons aujourd’hui les titres de la presse locale, que nous voyons les manchettes sur le Net et entendons la radio sinon que les spécialistes de la mésinformation et du sensationnalisme ne reculent devant aucune abjection pour vendre du papier ou provoquer du « clic » malsain permettant de remonter les finances d’un groupe tout juste restructuré et en perte de vitesse.
Depuis vendredi, nous pouvons lire et entendre « Agression sexuelle à l’école de… », « viol de trois fillettes à l’école de… »…
Agression sexuelle, viol… école…
Des mots très, très forts et certainement très vendeurs…
Mais qui serait donc l’auteur de ces faits horribles ? Un ogre ? Un méchant récidiviste pervers ?
Un monstre à punir de manière exemplaire ? C’est certain !
Mais…
Ce serait un enfant.
Un enfant de 5 ans…
5 ans !
Un enfant qui n’a donc aucune notion de ce qu’est la sexualité et pour lequel l’idée même de commettre un viol est à des années lumières de la psychologie de son âge.
Ses « intentions », si l’enquête révèle qu’il y en a eues, ont peut-être d’autres origines.
L’auteur de l’article et les responsables de sa publication devraient lire Freud, peut-être apprendraient-ils des choses…
« Agression sexuelle, viol, école, enfant »… Voilà le carré magique utilisé par des médias malsains pour gagner de l’argent, sans respecter les enquêtes en cours, sans respecter la vie des personnes concernées, sans respecter un éthique professionnelle qui consiste à avoir des faits vérifiés et argumentés pour pouvoir les qualifier « d’information ».
De fait une enquête officielle est en cours.
Cette enquête est-elle terminée ? A-t-elle déterminé la réalité des faits ? La justice va-t-elle être saisie ?
Les médias n’en savent rien et les articles de caniveau, pour éviter les poursuites, parlent parfois au conditionnel.
Au conditionnel mais titrent au présent « Agression sexuelle », « Viol », « école »…
Peu importe la réalité, la mésinformation n’empêche pas de vendre.
Mésinformation, au bas mot, car tel journal, entre mensonge et réalité déformée, prétend ne pas vouloir alimenter les rumeurs en ne faisant que cela !
Il faut bien remonter les ventes quitte à jouer dans la cour des tabloïds malsains à but commercial !
Avec un sujet aussi sensible, la prudence, l’investigation et la réflexion devraient être de mises.
Elles le sont avec les spécialistes qui mènent l’enquête, elles le sont avec les enseignants, leur hiérarchie et la communauté éducative de l’école qui savent conserver un professionnalisme et une discrétion essentiels.
Mais pour la Presse il faut vendre à tout prix…
Et pour vendre, il faut faire peur.
La déontologie ? La quoi ? N’employez pas des mots trop compliqués s’il vous plaît !
Alors tel « commercial » – comment appeler cela un « journaliste » même s’il a sa carte de presse ? – va annoncer sans aucune vérification que le monstre a été re-scolarisé dans une école « à quelques kilomètres »… Car on scolarise des monstres…
Et boum des ventes : les parents de toutes les écoles maternelles alentour vont se ronger les ongles… Malheur à celui qui, par hasard, change d’école à ce moment-là, malheur à l’enfant concerné et à sa famille s’ils sont innocents…
Il faut bien gagner sa croûte, même en créant rumeurs et psychoses infondées…
Les collègues sont-ils épargnés par cette presse à sensations vomitives ? Si l’Institution se félicite que les médias ne s’en prennent pas à ses membres (et comment le pourraient-ils alors que les protocoles d’usages pour de tels événements supposés ont été suivis scrupuleusement), ces articles ont jeté un vent de panique sur une école et un village où jusque-là la situation était gérée selon les procédures officielles et avec toute la mesure et la rigueur nécessaires.
Si demain l’enquête révèle que l’agresseur est en fait une victime ? Si demain l’enquête révèle que beaucoup de bruit a été fait pour des gestes qui ne sont en rien des comportements déviants ? Les médias s’excuseront-ils auprès de ceux qu’ils ont mis en difficultés : enfants et parents de l’école, enseignants et employés municipaux ?
Que nenni, ils sont « irresponsables »… Et n’évoquent même pas cette possibilité : il faut, en parlant au conditionnel, faire croire que c’est vrai, pour vendre.
Mais nul, en dehors des enquêteurs et de leur hiérarchie, ne sait de quoi il en retourne exactement. Seule l’enquête et une suite judiciaire, s’il y en a une, révèleront la vérité.
Prudence, discrétion et professionnalisme sont, nous le répétons, plus que jamais de mise.
C’est ce qu’ont fait les enseignants, les personnels des écoles et leurs hiérarchies respectives.
Mais les médias sans conscience…
Les auteurs de ces articles aux titres odieux…
La honte, pour le moment, n’est que sur eux !
Nous les invitons à visionner le film « Spotlight » de 2015. S’ils y arrivent, ils prendront une leçon de journalisme.